Initiation aux méthodes intégrées au jardin potager
Chapitre : Le sol de culture
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⇒ Des analyses de laboratoire indispensables.
Avant de sortir la bêche et le râteau, je conseille vivement à tout jardinier débutant d’évaluer les caractéristiques physiques, chimiques et biologiques du sol de son jardin à l’aide d’une analyse de laboratoire afin de connaît son potentiel de fertilité et les systèmes de cultures qu’il peut supporter. Cette analyse permet également de connaître les polluants et le niveau de contamination des métaux lourds éventuellement présents dans le sol.
On trouve facilement sur des sites internet ou des livres spécialisés dans le jardinage, la description d’expériences rudimentaires (test du boudin, de la bouteille, test de lessivage, test de la présence de matière organique à l'aide d'eau oxygénée…) susceptibles d’indiquer si la terre de jardin est riche en argile, ou les fractions en argile et autres éléments. Ces expériences sont peu précises et n’apportent aucune information sur la valeur fertilisante du sol. Certaines caractéristiques biochimiques importantes ne peuvent être connues qu’à partir d’analyses effectuées par un laboratoire agréé par le Ministère de l’Agriculture. Ces analyses effectuées selon des protocoles normalisés ont pour objectif d’établir un ensemble de données analytiques de base sans lesquelles il est bien difficile de prendre les mesures appropriées pour améliorer la fertilité du sol et corriger les carences éventuelles.
Une analyse du sol effectuée par un laboratoire précisant la granulométrie du sol, le taux des matières organiques, la valeur du pH, la teneur en fer et en manganèse constitue déjà un ensemble de données intéressantes. Des mesures plus précises sont toutefois nécessaires pour connaître la quantité d’éléments nutritifs qu’un sol est capable de retenir à partir des complexes absorbants. Certaines carences sont impossibles à déceler sans une analyse plus approfondie des différents éléments présents dans le sol et de leurs interactions. Ces carences sont souvent à l’origine des problèmes rencontrés dans un jardin potager comme la prédominance de certaines maladies ou la production de récoltes rachitiques.
Il existe deux formes de carence :
- Les carences vraies : Un ou plusieurs éléments minéraux ne sont pas assez présents dans le sol.
- Les carences induites : Les minéraux dans le sol sont suffisants, mais leur assimilation par les plantes est bloquée :
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Soit par la présence d’un autre élément en excès comme le blocage du magnésium face à un excès de potassium, le blocage du zinc suite à un excès d’acide phosphorique, le blocage du potassium suite à un excès de calcium, ou encore le blocage du fer dans des terrains trop calcaires.
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Soit en raison de conditions climatiques comme la carence en bore suite à une sécheresse.
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Soit qu’un élément est rétrogradé et stocké sous une forme non assimilable ce qui est souvent le cas du phosphore.
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Soit parce que le pH est trop acide entraînant une réduction de l’absorption du magnésium et du molybdène, ou trop basique produisant par exemple une carence en oligoéléments.
Toute parcelle a un historique cultural fait d’apports de fertilisants et d’exportations de récoltes (a) ce qui nécessite, d’établir un bilan des restes de fertilisants présents dans le sol avant de démarrer de nouvelles cultures. De même, quand un terrain n’a pas été cultivé depuis longtemps, le bilan de sa fertilité ne peut être sérieusement appréhendé qu’à partir d’analyses de laboratoire. C’est aussi le cas si un terrain cultivé n’a jamais fait l’objet d’une telle étude. Ces analyses doivent être réalisées au moins tous les 5 ans, période qui peut être réduite à la suite de profondes modifications décidées par le jardinier pour corriger les caractéristiques physiques et biologiques du sol de culture.
Le surplus d’intrants (b) qui reste dans le sol doit être pris en compte s’il est quantitativement significatif avant l’import de nouveaux fertilisants. Ce surplus oblige à réduire la fertilisation pour chaque élément en excès.
Cette approche plus précise de la fertilisation couramment utilisée en agriculture intégrée est souvent désignée par le mot « raisonnement de la fertilisation », ou encore « raisonnement des intrants ».
Ces conseils pourraient sembler exagérés pour un jardinier amateur qui envisage d’entretenir un petit potager. Pourtant, je connais des jardiniers qui se lamentent en constatant que certains de leurs légumes sont rachitiques ou sont fréquemment victimes de maladies. La pratique du jardinage peut-être un passe-temps intéressant surtout pour combattre la sédentarité qui de nos jours est devenue un véritable fléau. Mais combien d’efforts deviennent inutiles conduisant au découragement si les résultats attendus ne sont pas au rendez-vous ! Une analyse globale des caractéristiques du sol n’est nécessaire qu’une seule fois. Son coût sera vite rattrapé par le renforcement des plantes contre les maladies et l’augmentation des rendements. Surtout, vous éviterez de vous lancer dans des traitements douteux, voire dangereux faute d'informations suffisantes sur les caractéristiques physiques et biologiques du sol de votre potager.
Source : tableau recomposé à partir de données de la conférence base 5-3-2013 - Biodiversité, Agriculture, Sol & Environnement
a) On entend par exportations, les pertes en sels minéraux suite aux récoltes.
b) En agriculture, les intrants désignent tout ce qui est introduit dans le processus de production agricole : engrais, produits phytosanitaires, composts et autres amendements, semences….
Les plantes sont rachitiques avec une croissance retardée présentant des feuilles vert pâle à jaunes et finissent par tomber. Une chlorose généralisée indique souvent une carence en azote. La fructification est souvent précoce comme si la plante décidait de réserver toutes ses ressources à la production de quelques graines pour préserver son espèce. Les légumes-feuilles sont rapidement sensibles à une carence en azote. Cette carence se corrige facilement par un apport de nitrate de potasse (quand la teneur en potassium dans le sol n’est pas excessive) en épandage foliaire ou en aplomb des racines lors d’un arrosage, ou encore par un apport d’urée perlée ou d’ammonitrate avant arrosage (temps de réaction un peu plus long).
En culture maraîchère, la carence en phosphore se remarque plus facilement sur les légumineuses et les légumes-fruits tels que les tomates, les concombres, les aubergines, certains légumes racines comme la pomme de terre et la betterave rouge. Cette carence se caractérise par des plantes rachitiques et une floraison retardée. Les feuilles âgées sont vert foncé avant de prendre une coloration violacée. La pointe des feuilles peut aussi se colorer en vert foncé et les tiges prendre une couleur rougeâtre. Les fruits sont petits et peu nombreux. Pour corriger cette carence, il faut ajouter un peu de phosphore assimilable dans le sol de culture avant plantation ou dans un compost avant épandage, tel que le « phosphate naturel » de solabiol.
La plante est flasque indiquant un manque de turgescence (carence en eau à l’intérieur des cellules). Les tiges et les feuilles se flétrissent facilement et sont victimes de nécrose marginale qui peut se confondre avec une carence en magnésium ou en cuivre. Puis, la couleur des feuilles prend une coloration rougeâtre ou brunâtre. Les feuilles sont souvent atteintes d’une chlorose s’étendant progressivement du bord vers le centre. Les tomates, les légumineuses, les betteraves rouges sont très sensibles au manque de potasse qui s’installe plus facilement dans les sols acides. Cette carence se corrige rapidement par un apport de nitrate de potasse utilisé de la même manière que pour faire face à la carence en azote sauf si ce dernier élément est trop abondant.
Cette carence se manifeste par une croissance ralentie, un jaunissement des feuilles sans atteindre les nervures, ou encore de taches brunes chez certains végétaux avec chute des feuilles. Cette carence fréquente sur terrain calcaire se corrige tous les ans par un apport de sulfate de fer. Mais comme son action se manifeste tardivement (environ 6 mois), il est recommandé la première année de corriger cette carence avec du chélate de fer à pulvériser sur le feuillage. Il existe des spécialités liquides pour un traitement rapide de la carence ferrique du sol tel que le Spinach H36 d’Aprochim.
Autres carences et confusions possibles.
Un jaunissement disséminé en forme de perles touchant les parties âgées indique une carence en magnésium. Une chlorose des organes jeunes indique une carence en calcium qui peut se confondre avec celle du fer. Une carence en soufre se caractérise par une chlorose des feuilles ; les nervures sont en général plus claires que le tissu internervaire. Une chlorose de ces nervures indique une carence en magnésium qui peut se confondre avec une carence en manganèse ou fer. Une carence en cuivre produit une décoloration de la pointe des feuilles. Une nécrose des racines indique une carence en bore qui peut se confondre avec une attaque de micro vers.
En ce qui concerne la région P.A.C.A., l’un des laboratoires le plus proche agréé par le Ministère de l’Agriculture, est situé à cette adresse : Laboratoire Développement Méditerranéen (UDM) - 8 chemin des 2 Mas – Pist 4 – 30100 ALES - Tél : 04 66 61 02 97 - E-mail : laboratoire.ldm @wanadoo.fr - Site internet : cliquer ici. Pour les autres régions de France, la liste des laboratoires agréés par le ministère de l’Agriculture en 2021 se trouve ici.
UDM propose une série d’analyses présentées dans une feuille de renseignements accessible sur son site internet pour différentes situations (arboriculture, viticulture, grande culture, jardinage ...). Une fiche de renseignements explique comment préparer un échantillon de terre pour qu’il soit envoyé par la poste. Ce laboratoire est capable d’effectuer les analyses précisées pour un coût d’environ 90 € TTC (tarif 2016) comprenant l’analyse granulométrique qu’on effectue qu’une seule fois, sauf si vous désirez changer la texture du sol par des amendements appropriés. On peut aussi obtenir des données sur la biomasse microbienne, l’activité microbienne et le fractionnement granulométrique de la matière organique, mais le prix de l’analyse sera plus élevé.
La fiche d’analyse est accompagnée d’une page de commentaires sur les caractéristiques physiques, biologiques et chimiques du sol avec des conseils de fumure. Afin d’obtenir des mesures précises, je vous conseille vivement de cocher parmi les choix proposés, la mesure de l’azote total du sol sans laquelle il est difficile d’obtenir des renseignements précis sur d’autres paramètres. Vous aurez par exemple une estimation annuelle de perte d’humus ce qui est un renseignement important pour déterminer le volume de matières organiques à apporter tous les ans, ou encore la fourniture d’azote minérale maximale à apporter exprimée en U/ha (U = unité de mesure en kg d’un élément pur par hectare). Attention, tous les laboratoires ne proposent pas une analyse aussi complète. Certaines données importantes ne sont pas précisées comme le rapport entre certains éléments qui peut être à l’origine de certaines carences induites.
Par la suite, tous les 5 ans, vous pourrez demander une nouvelle analyse moins coûteuse pour obtenir certaines données les plus utiles comme les réserves en humus et en éléments primordiaux (potassium, phosphore, magnésium, bore…), le rapport Carbone /Azote (C/N), la Capacité d’Echange Cationique (CEC), le rapport spécifique entre certains éléments. À noter qu’entre deux analyses de laboratoire, des données intéressantes sur l’évolution des caractéristiques de votre sol (pH, teneur en nitrates) sont à la portée du jardinier sous réserve d’acquérir les ustensiles de laboratoire et leurs consommables (testeurs, bandelettes tests) ce qui, en fonction du matériel choisi que l’on peut utiliser plusieurs années, n’est pas forcément coûteux. Ce matériel est décrit dans les pages suivantes de ce site internet.
Les analyses de laboratoires sont effectuées à partir d’un échantillon de terre fine et certains paramètres ne peuvent être pris en compte. En ce qui concerne la texture du sol, les particules inférieures à 2 μm sont considérées comme des argiles alors qu’elles peuvent contenir de fins éléments de calcaire. La part d’argile est donc souvent surestimée. Mais d’autres laboratoires font apparaitre séparément les particules fines de calcaire dans leur rapport. C’est aussi le cas pour les particules de 0,050 mm à 2 mm classées dans la catégorie « sable » alors qu’elles ne sont pas constituées que de silice ce qui a forcément des conséquences sur les propriétés physiques et biologiques du sol. Le pouvoir de fixation des cations (potassium, Calcium, Magnésium), et de certains anions (phosphate, hydroxyde de fer…) est différent selon le type d’argile. Les CEC mesurées sur un même échantillon avec différents cations témoins peuvent varier de façon significative (1).
Il est couramment admis que le rapport C/N est aussi un indicatif de l’activité biologique du sol. Un rapport élevé (supérieur = 12) indiquerait une activité biologique réduite perturbée. Un C/N inférieur à 10 montrerait une activité biologique active. Or, l’introduction d’un humus de longue durée avec un C/N élevé et comprenant certains acides humiques, se caractérise par une consommation réduite d’azote par an et une augmentation de la CEC.
Les analyses de laboratoire sont quelquefois dénigrées en raison de leurs limites liées aux techniques d’analyse. Les techniques employées par les laboratoires peuvent quelquefois cacher des biais altérant les conclusions.
Une analyse de laboratoire ne peut donner que ce qui existe à un moment donné. Elle a surtout pour objectif de fournir un ensemble de données analytiques que l’agriculteur pourra comparer avec d’autres éléments connus de lui inaccessibles par des analyses de laboratoire (comme les périodes d’épandage des engrais, l’influence des conditions climatiques, l’historique de la parcelle…), afin de peaufiner son diagnostic. Certains détracteurs des analyses de laboratoire préfèrent privilégier les observations de terrain ; comment les plantes évoluent, leur apparence, les maladies diagnostiquées à vue d’œil… Pourtant, il n’y a pas de bonne science sans mesures. Par exemple, pour une carence se traduisant par des anomalies sur certaines plantes, comment savoir si celle-ci est induite ou réelle sans analyse de laboratoire ! En outre, il est connu depuis longtemps que l’absence de symptôme ne signifie pas forcément que l’on est en présence d’un équilibre optimal en éléments minéraux (2).
1)http://www.lafranceagricole.fr/actualites/analyses-de-terre-28-laboratoires-agrees-pour-2017-1,1,640930263.html
2) Ravina et Gurovich, 1977 ; Amacher et al., 1990
3) Symptômes et diagnostic des carences alimentaires ; Trocmé – phytoma N° 159 juin 1964
Analyses de laboratoire, page suivante : Texture et structure des sols