Initiation aux méthodes intégrées au jardin potager
Chapitre : Traitements
Articles précédents ou suivants ; cliquez sur un titre pour accéder à la page
⇒ Composés à base de cuivre et de soufre.
L’acharnement en agriculture biologique à encenser la bouillie bordelaise constituée de chaux et de sulfate de cuivre tient tout bonnement au rôle de ce pesticide à large spectre pour combattre les maladies cryptogamiques (mildiou, rouille, cloque du pêcher…) et bactériennes, le seul pesticide qui soit vraiment efficace dans la liste très réduite des produits homologués dans cette filière. L’usage du sulfate de cuivre en agriculture biologique tire parti de la polyvalence de doses fortes et d’applications répétées sans trop de considération pour la faune auxiliaire. C’est notamment le cas en arboriculture pour combattre des maladies comme la tavelure ou en viticulture contre l’excoriose et le black-rot.
La culture de pomme bio utilise de fortes doses de sulfate de cuivre bien que cela ne soit jamais précisé sur les étalages. Une belle pomme bio bien colorée qui ne présente aucune tache de tavelure a le plus souvent bénéficié de traitements cuivreux. L’emploi de fortes doses de composés à base de cuivre et de soufre (a) sont plus rare en agriculture intégrée, le sulfate de cuivre étant utilisés en alternance avec d’autres fongicides de synthèse afin de réduire les doses de traitement et les résistances. Sans le sulfate de cuivre, c’est tout l’édifice idéologique de l’agriculture biologique qui s’écroule, arboriculture et viticulture en tête. C’est pour cette raison que le lobby bio s’évertue à ce que l’usage des produits à base de sulfate de cuivre ne soit pas interdit (1).
Suite à l’action des lobbyistes de l’agriculture biologique, l’utilisation des pesticides au cuivre a été prolongée de 7 ans à partir du 1 janvier 2019 dans l’Union européenne. L’Agence européenne pour la sécurité des aliments (EFSA) avait pourtant souligné les risques présentés par l’utilisation dans l’agriculture des composés contenant du cuivre en particulier en matière de pollution des sols. Pour réduire ce risque de pollution, un compromis a été trouvé par une réduction modulable de la dose par hectare année par année, ce qui s’avère bien difficile à mettre en place étant donné que personne ne sait par avance comment se présenteront les conditions météorologiques l’année prochaine.
Pour les exploitations viticoles biologiques, la limitation de l’usage du cuivre est de 6 kilos par hectare et par an lissés sur cinq ans. Cela permet aux opérateurs d’ajuster la dose au-delà de 6 kg en cas de mauvaises années sous réserve de réduire cette dose les autres années. En agriculture biologique, il n'existe à ce jour aucun autre substitut au cuivre pour lutter contre le mildiou qui peut entraîner des pertes de récoltes considérables s’il n'est pas combattu.
Avant d’aborder les méfaits des traitements excessifs à base de cuivre sur l’environnement et les risques sur la santé humaine, il est important de souligner que le cuivre à faible dose est un élément indispensable à la vie végétale notamment sur la fonctionnalité de l’azote (2) et le métabolisme des hydrates de carbone. Or, les doses utilisées en agriculture biologique sont largement supérieures aux besoins des plantes. Par exemple, les besoins en cuivre d’une vigne sont estimés entre 30 et 100 gr/ha/an. Pour la vigne, un seul traitement avec de la bouillie bordelaise amène 300 à 5000 g/ha de cuivre métal. Il est bien connu que c'est l'excès du cuivre qui est toxique.
Le cuivre n’est pas toxique pour l'homme tant que sa concentration dans les aliments reste limitée. Il ne s’accumule pas dans l’organisme sauf en cas d’anomalie génétique ou de surdosage alimentaire avec une accumulation prépondérante dans le foie. C’est un oligoélément essentiel intervenant dans de nombreuses réactions enzymatiques, le fonctionnement du système immunitaire, la formation des globules rouges, la production de la mélanine et la transcription des gènes. C’est aussi un antioxydant. Une alimentation équilibrée doit donc contenir du cuivre mais, en très petites quantités. Les apports nutritionnels conseillés varient entre 1,5 et 2 mg par jour. Des traces de cuivre dans l’alimentation provenant des traitements agricoles sont donc acceptables tant que l’absorption total de ce métal lourd (incluant également les sources naturelles et industrielles) ne dépasse pas une certaine valeur estimée à 5 mg jour par la Commission Européenne. Mais, il y a peu d’étude vérifiant les doses de cuivre sur les légumes, les fruits et les préparations industrielles provenant de l’agriculture biologique.
Par contre, les ovins peuvent être facilement victimes d’intoxication au cuivre. L’entreposage du cuivre dans le foie du mouton est lié à sa faible capacité de la sécrétion biliaire pour éliminer le cuivre. Un taux dans le foie excédant 500 ppm, poids sec, est généralement considéré comme toxique. C’est pour cette raison qu’il est conseillé de ne pas envoyer paitre des moutons dans les parcelles enherbées qui ont été traitées au cuivre tels que les anciens vergers et vignobles.
a) Les produits phytosanitaires contenant du cuivre et/ou du soufre homologués en agriculture biologique sont : L’Hydroxyde de cuivre (Cu(OH)₂), l’oxyde cuivreux (Cu₂O), le sulfate de cuivre (CuSO₄), le soufre micronisé et le soufre sublimé.
Le soufre et le cuivre font partie des premiers fongicides utilisés en agriculture qui ont la particularité d’être multisites (appartiennent à cette catégorie des fongicides de synthèse comme le mancozebe, le chlorotalonil). C’est-à-dire qu’ils agressent le champignon parasite en intervenant sur plusieurs sites cellulaires sensibles. Ils sont moyennement efficaces et sont très lessivables (pour la bouillie bordelaise, il faut passer souvent avec des quantités de plusieurs kgs par ha). Les fongicides modernes issus de la recherche en biologie (souvent ils copient des molécules naturelles), n’agissent que sur un endroit du métabolisme des champignons et sont très efficaces avec de faibles quantités par ha (par ex 200 gr) avec une rémanence plus longue (3 à 4 semaines) par rapport aux anciennes molécules de synthèse. Toutefois, en raison de leur mode d’action unisite (a), des résistances peuvent survenir rapidement si on ne prend pas de précautions dans leur utilisation (alternance des produits, mélanges de molécules anciennes et récentes…).
En saison humide, le cuivre est inefficace pour lutter contre le mildiou déjà installé sur les cultures qui se développe rapidement sur les pommes de terre, les tomates, la vigne et contre les infections cryptogamiques qui pullulent sur les arbres fruitiers, les cucurbitacées…
Il est bien connu que le cuivre en trop forte concentration est très toxique sur la plupart des espèces végétales se traduisant par une réduction de la croissance générale et l’installation d’une carence induite en fer. La chlorose internervaire est très courante, souvent accompagnée d’autres symptômes (diminution du nombre de branches, couleur foncée des racines qui s’épaississent…) aggravés en sol acide.
Le cuivre n’étant pas biodégradable et son spectre sur les bioagresseurs étant très large, expliquent deux inconvénients majeurs quant à son usage :
•
Il s’accumule dans le sol et chaque nouvel épandage augmente sa toxicité. Une teneur excessive en cuivre peut même avoir un effet inverse sur certains bioagresseurs comme le Neofusicoccum Parvum en viticulture (3). L’accumulation du cuivre est telle dans certaines parcelles de viticulture ou pomiculture, qu'un retour aux cultures maraichères s’avère problématique.
•
Son large spectre s’exerce également sur les microorganismes utiles du sol débouchant sur une réduction de la biomasse (4), une altération substantielle de la rhizosphère et un ralentissement de la formation des radicelles surtout dans les sols acides. On observe une perturbation de la migration du fer conduisant à des phénomènes de type chlorotique. L’apport du zinc peut également être perturbé produisant un ralentissement de la croissance. Ainsi, l’usage excessif du cuivre que l’on rencontre souvent en agriculture biologique est contraire à la conservation de la biodiversité des sols, perturbe les services écosystémiques ; tout le contraire des objectifs fondamentaux de cette filière agricole.
Les préparations à base de cuivre ont été reconnues comme « particulièrement préoccupants pour la santé publique ou l’environnement » par la Commission Européenne ». L’EFSA (Autorité européenne pour la sécurité alimentaire) et l’ECHA (Agence européenne des produits chimiques) qui ont estimé que l’utilisation de ces substances comportait « certains risques pour les agriculteurs, les oiseaux, les mammifères et les organismes du sol ». Ils sont « responsables des résidus les plus communément retrouvés dans l’alimentation bio ». Selon Didier Andrivon (Directeur de recherche INRA), « Il existe des centaines d’études qui montrent que le cuivre affecte les communautés microbiennes des sols et des composants de la microfaune comme les collemboles » (5).
Toxicité :
•
L’exposition se fait par transfert à travers la peau, les yeux, ou par inhalation de poudre ou de poussières (1) ; c’est un irritant puissant (2).
•
Des cas de suicide par ingestion ont été reportés (3). Chez l’homme, les symptômes apparaissent à partir de 11 mg/kg. Il s’agit de brulures abdominales, nausées intenses, vomissements, diarrhées, mal de tête, excrétion urinaire discontinue menant au jaunissement de la peau. Des dommages au cerveau, foie, reins et estomac peuvent également se produire (4).
•
Le contact avec la peau peut déclencher de l’eczéma (5) ; peut causer des réactions allergiques chez certains individus (1).
•
Le contact avec les yeux est très dangereux (4).
Effets chroniques :
•
Des maladies du foie ont été observées chez l’homme après 3 à 15 ans d’exposition (5).
•
L’exposition chronique à de faibles doses peut conduire à des anémies (5).
•
Le mode d’action chimique ou biologique à des doses importantes reste mal compris (6).
•
À 25 mg/kg, la croissance des rats est retardée ; à 200 mg/kg, le rat ne s’alimente plus et meurt (5).
•
Des moutons ayant eu accès à des pains de sels contaminés (de 5 à 9%) ont montré plusieurs symptômes négatifs pouvant aller jusqu’à la mort après un à deux jours d’exposition (4).
•
Des souris exposées à des concentrations dans l’air équivalent à une exposition humaine par inhalation montrent une augmentation significative de la mortalité (5).
Effets sur la reproduction :
•
Déclenche des avortements après huit jours de gestation chez le hamster. Provoque une atrophie des testicules suivie d’une interruption de la production de sperme chez les oiseaux (5).
•
L’exposition au cours de la gestation affecte la reproduction et la fertilité chez le rat (7).
Effets tératogènes :
•
Lors d’une exposition après huit jours de gestation chez le hamster, les survivants dans la descendance présentent des maladies du cœur (5).
Effets mutagènes :
•
Possède des effets mutagènes sur au moins deux types de microorganismes (7).
Effets carcinogènes :
•
Suite à une exposition, des tumeurs du système endocrinien ont été rapportées chez le poulet (7) - Organes cibles : la rate, le foie et les reins (5), mais aussi le cerveau et le tractus gastro-intestinal (4). Devenir chez l’homme et l’animal : la bioaccumulation est très importante (8-5).
Bilan écologique :
•
Effets sur les organismes aquatiques : La toxicité sur les poissons est très importante ; elle varie en fonction des espèces et des conditions (9). De très faibles quantités peuvent avoir des effets négatifs sur les poissons.
•
L’application directe dans des écosystèmes aquatiques induit une diminution significative des invertébrés aquatiques, des plantes et des poissons (10).
•
Effets sur les espèces non-cibles : La toxicité est avérée sur les invertébrés aquatiques (crabes, crevettes, huîtres). L’application dans certaines régions est soumise à la réglementation (1, 10).
•
Les abeilles sont mises en danger lorsque des solutions aqueuses contenant de la bouillie bordelaise sont utilisées (11).
•
Aux taux d’application habituels, un empoisonnement des moutons et des poulets a été constaté. La plupart des animaux des sols, y compris les vers de terre, sont éliminés par l’utilisation intensive dans les vergers (9).
•
Un effet délétère sur les escargots est observé. La DL50 à 96 heures sur des pontes d’escargots est faible (0.39 mg/l à 20°C) (5).
Auteur : Philippe JOUDRIER, Docteur d'état en biologie, ancien directeur de recherche à l'INRA.
REFERENCES
1) - U. S. Environmental Protection Agency. 1986 Guidance for reregistration of pesticide products containing CS. Fact sheet no 100. Office of Pesticide Programs. Washington, DC.
2) - Windholz, M., ed. 1983. The Merck Index. Tenth edition. Rahway, NJ: Merck and Company.
3) - National Research Council, Safe Drinking Water Committee. 1977. Drinking water and health. Washington, DC: National Academy of Sciences.
4) - Clayton, G. D. and F. E. Clayton, eds. 1981. Patty's industrial hygiene and toxicology. Third edition. Vol. 2: Toxicology. NY: John Wiley and Sons.
5) - TOXNET. 1975-1986. National library of medicine's toxicology data network. Hazardous Substances Data Bank (HSDB). Public Health Service. National Institute of Health, U. S. Department of Health and Human Services. Bethesda, MD: NLM.
6) - Hayes, W. J. 1982. Pesticides studied in man. Baltimore, MD: Williams and Wilkins.
7) - National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH). 1981- 1986. Registry of toxic effects of chemical substances (RTECS). Cincinati, OH: NIOSH.
8) - Gangstad, E. O. 1986. Freshwater vegetation management. Fresno, CA: Thomson Publications.
9) - Pimentel, D. 1971 (June). Ecological effects of pesticides on nontarget species. Executive Office of the President's Office of Science and Technology. Washington, DC: U. S. Government Printing Office.
10) - 1986. Guidance for reregistration of pesticide products containing CS. Fact sheet no 100. Office of Pesticide Programs. Washington, DC.
11) - Hartley, D. and H. Kidd, eds. 1983. The agrochemicals handbook. Nottingham, England: Royal Society of Chemistry.
Des études épidémiologiques ont révélé que l’exposition professionnelle à certains métaux, et notamment au cuivre, constitue un facteur de risque pour les maladies de Parkinson et d’Alzheimer (6 - 7). En outre, un rôle pour le cuivre dans les maladies à prion a également été prouvé (8) rappelé dans une étude parue en juillet 2016 dans la revue Science Advances, où des chercheurs américains ont confirmé comment les prions (protéines présentes dans le cerveau) peuvent devenir infectieux en présence de cuivre et provoquer des encéphalopathies spongiformes. Une découverte qui rappelle les déconvenues de la roténone utilisée en agriculture biologique durant de nombreuses années avant qu’elle ne soit interdite, soupçonnée de provoquer la maladie de Parkinson.
Ce n’est pas tout. La bouillie bordelaise déclenche de pneumopathie interstitielle (parfois fibrosante), caractérisée par l’apparition de granulomes histiocytaires et de nodules fibrohyalins et aussi dans certains cas des lésions hépatiques. Une forte incidence d’adénocarcinomes a été reportée chez des patients exposés à la bouille bordelaise (9 - 10). On a aussi trouvé du cuivre dans les macrophages prélevés dans les expectorations d’ouvriers chargés de pulvériser la bouillie bordelaise sur la vigne (11 - 12).
Le cuivre est toxique pour les poissons. Il est classé en substance indésirable pour les eaux destinées à la consommation humaine et dans les eaux souterraines.
Le cuivre s’accumule plus facilement dans un sol acide. Sa toxicité est limitée en sol calcaire et argilocalcaire, car le cuivre à tendance à se fixer aux carbonates et aux argiles.
L’usage répété de composés de cuivre peut conduire à des résistances. Dans le sud-est des États-Unis, des fongicides cuivreux sont couramment utilisés depuis des décennies en culture de tomates pour lutter contre le Xanthomonas (Xanthomonas campestris pv. vesicatoria), une galle bactérienne se caractérisant par l’apparition de taches sur les feuilles. Cette bactérie a développé une résistance aux composés de cuivre (13) et les chercheurs se tournent maintenant vers la génétique afin de trouver une alternative aux composés de cuivre.
Dans la filière bio, à chaque fois que des pesticides sont recherchés dans l’alimentation, curieusement, le cuivre ne fait jamais partie des substances recherchées, probablement dans le but de faire croire que l’agriculture bio est plus respectueuse de l’environnement et de la santé des consommateurs. En nov. 2015, des analyses commanditées par le site internet « agriculture et environnement » ont montré que 100 % des vins bios testés (29 échantillons de vin provenant de toutes les régions de France) contiennent du cuivre dans des proportions bien supérieures à celles des pesticides de synthèse pour les denrées de l’agriculture conventionnelle (14). L’étude Esteban (2014-2016) précise page 21 (15) que « Les concentrations urinaires en cuivre sont augmentées de 8 % chez les enfants « consommant plus de 4 fois par semaine des légumes en provenance de l’agriculture biologique par rapport à ceux n’en consommant jamais ou rarement. »
Il n’y a pas d’agriculture sans traitement, et il n’y a pas de traitement sans inconvénient. En agriculture bio ou conventionnelle, tous les agriculteurs sont obligés de lutter contre les bioagresseurs.
Bien entendu, il faut comparer tous les inconvénients de chaque mode de traitement. Chaque produit a ses qualités et ses défauts, qu'il soit synthétique ou naturel. Par exemple, en pomiculture conventionnelle où beaucoup de pesticides de synthèse sont utilisés, certaines molécules (fénoxycarbe, captane, boscalid…) sont considérées comme des cancérogènes probables, et d’autres comme des perturbateurs endocriniens (fénoxycarbe, fluopyrame…). Ces molécules ont aussi un impact non négligeable sur l’environnement bien qu’elles soient dégradées par la microflore (ainsi que leurs métabolites) sur une période de temps plus ou moins longue.
Depuis l’interdiction des pesticides de synthèse en France pour le jardinier amateur, le cuivre est le seul pesticide autorisé pour lutter contre les infections cryptogamiques et bactériennes alors que les risques d’erreur de manipulation sont connus. Cette situation est d’autant plus ubuesque quand on sait que l’usage du cuivre est plus efficace s’il est utilisé en alternance avec d’autres fongicides de synthèse ce qui permet de réduire les doses. Or, il faut bien le reconnaître, l’interdiction des pesticides de synthèse oblige le jardinier amateur à utiliser plus de substances à base de cuivre, ce qui a forcément des conséquences néfastes sur l’environnement sans compter les risques de présence excessive de cuivre dans l’assiette.
Pour autant, il est possible de réduire l’usage du cuivre contre les infections cryptogamiques ou bactérielles d’origine tellurique (comme le mildiou de la tomate) par un traitement physique faisant appel au chauffage solaire quand les conditions climatiques le permettent : la solarisation dont les principes techniques sont développés à cliquant ici.
Pourquoi j'utilise encore le cuivre pour protéger mes cultures.
Un usage modéré de la bouillie bordelaise avec d'autres méthodes de protection de biocontrôle présente peu de risques sur l'environnement et la santé humaine. Faut-il encore que le jardinier amateur respecte les doses d'emploi et les intervalles entre deux applications. Le port de lunettes étanches et de gants et l'usage d'une combinaison spéciale sont nécessaires quand les volumes à protéger sont importants (par exemple en pomiculture).
En agriculture conventionnelle, le cuivre est encore utilisé de préférence pour lutter contre la graisse du haricot (infection bactérienne qui s’attaque aux haricots secs comestibles). Il n’existe pas de produit de synthèse homologué pour cette maladie. Le cuivre est également utilisé pour lutter contre les cercosporioses (maladies foliaires attaquant principalement la betterave sucrière, la pomme de terre, le haricot, le céleri, le melon, le poivron et le persil) pas toujours maîtrisées avec les fongicides de synthèse. Sur d'autres cultures comme la vigne, le cuivre n'agit qu'à titre préventif.
En culture maraichère, la bouillie bordelaise est souvent pulvérisée sur les jeunes plants de tomates en godets pour éviter qu’ils ne soient porteurs de maladies cryptogamiques ou bactériennes. La bouillie bordelaise convient également pour réduire les risques d'alternariose sur les cultures de tomate en plein air à la condition de ne pas attendre que la maladie se déclare.
Afin de limiter l’usage du cuivre en agriculture biologique, certains agriculteurs intègrent des huiles essentielles dans leur programme de protection des plantes. Ces huiles essentielles sont utilisées seules ou en mélange, ou avec du cuivre ou encore avec des infusions et décoctions de plantes. Cette pratique est assez récente et il manque des références sur les doses, les mélanges, les conditions d’emploi, l’impact sur l’environnement… Les huiles essentielles ne sont pas homologuées en tant que produits de protection des cultures (sauf 2 qui disposent d’autorisation de mise en marché (A.M.M)).
J’ai plusieurs fois utilisé des huiles essentielles pour réduire le développement de maladies cryptogamiques avec des résultats le plus souvent décevants. Certains agriculteurs bio ou spécialisés en permaculture ou en biodynamie prétendent obtenir des résultats acceptables. Pourtant, une étude collective récente menée notamment par l’INRA (b) et l’ITAB (c), a montré que si « Les résultats in vitro montrent sans ambiguïté que toutes les HE testées possèdent une activité fongicide », « en condition de terrain (sous abri ou en plein champ), le projet n’a pas permis de mettre en évidence des efficacités significatives à 0.2% (v/v) sur les champignons cibles. » (16). Cette étude visait à trouver des solutions alternatives aux produits phytosanitaires utilisés en agriculture conventionnelle ou biologique. Dans cette étude, les huiles essentielles expérimentées seules ou en mélange sont celles utilisées le plus souvent en agriculture biologique (thé, girofle, menthe, thym, sarriette, origan, additionné ou non d’un adjuvant) pour lutter contre les maladies cryptogamiques et bactériennes. Certaines préparations contenant ces huiles essentielles sont vendues dans des fermes spécialisées en permaculture.
Cette étude a également montré une toxicité sur les abeilles de certaines huiles essentielles avec des taux de mortalité plus ou moins forts en fonction de la dose. Le mélange des 5 huiles essentielles étudiées dans cette étude fut responsable d’un taux de mortalité supérieur à 80 %. Toutefois, « A la concentration la plus faible 0,2% (v/v), identique à celle des essais aux champs, aucun effet toxique significativement supérieur à la mortalité naturelle n’a été remarqué ». D’après les études de laboratoire, il semblerait que les huiles essentielles auraient un impact toxique sur le typhlodrome (prédateurs naturels des acariens jaunes et rouges et des phytoptes de l'acariose et de l'érinose).
a) action unisite : action ciblée sur un seul site d’une cellule le plus souvent une enzyme indispensable à son métabolisme.
b) INRA : Institut National de la Recherche Agronomique
c) ITAB : Institut Technique de l'Agriculture Biologique
1) https://www.agriculture-environnement.fr/2010/03/21/le-bio-sauve-par-lindustrie-chimique
2) Conséquences des excès de cuivre dans les sols et les végétaux ; Auréa agro-sciences. Rencontres techniques 21-11-2017
3) Effets de la contamination cuprique des sols viticoles sur la sensibilité de la vigne à un cortège de bio-agresseurs ; Laetitia Anatole-Monnier. INRA archives ouvertes
4) Courde et al, 1998
5) European scientist – 1-02-2018 La Commission décide d’un renouvellement du très contesté sulfate de cuivre dans l’agriculture bio
6) Paik S.R. et al, Biochem. J., 1999
7) Barnham, K.J. et al., J. Biol. Chem. 2003 ; Bush, A.I., Masters, C.L. & Tanzi, R.E., Proc. Natl. Acad. Sci. USA 100, 2003 ; Atwood, C.S. et al., J. Biol. Chem., 1998 ; Huang, X. et al., J. Biol. Chem., 1999.
8) Brown, D.R. & Kozlowski, H., J. Chem. Soc. Dalton Trans., 2004 ; Viles, J.H. et al., Proc. Natl. Acad. Sci. USA,1999 ; Aronoff-Spencer, E. et al., Biochemistry 2000 ; Garnett, A.P. & Viles, J.H., J. Biol. Chem., 2003
9) Pimentel JC, Marques F (1969). Vineyard sprayer's lung: a new occupationl disease. Thorax 24: 678-688.
10) Pimentel JC, Menezes PP (1975) Liver granulomas containing copper in vine yard sprayer's lung. Am Rev Respir Dis 111:189-195
11) Plamenac et al. (1985)
12) Plamenac P, Santic Z, Nikulin A, Serdarevic H (1985). Cytologic changes of the respiratory tract in vineyard spraying workers. Eur J Respir Dis 67: 50-55.
13) https://geneticliteracyproject.org/2018/03/20/far-more-toxic-than-glyphosate-copper-sulfate-used-by-organic-and-conventional-farmers-cruises-to-european-reauthorization/
14) http://agriculture-environnement.fr/actualites,12/un-pesticide-present-dans-100-des-vins-bio
15) https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/pollution-et-sante/sols/documents/enquetes-etudes/impregnation-de-la-population-francaise-par-le-cuivre.-programme-national-de-biosurveillance-esteban-2014-2016
16) https://www6.inra.fr/ciag/content/download/6335/46517/file/Vol63-12-Vidal.pdf