Initiation aux méthodes intégrées au jardin potager
Chapitre : Fertilisation
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⇒ Description sommaire de quelques engrais minéraux.
Les engrais minéraux sont vendus soit sous une forme simple, soit sous une forme composée comprenant plusieurs éléments nutritifs majeurs. Pour les jardiniers amateurs, certains engrais minéraux précisés ci-dessous sont accessibles dans les magasins de jardinerie, les coopératives agricoles ou sur des sites internet.
Sulfate d’ammonium (NH₄)₂SO₄ (ou sulfate d’ammoniac)
Parmi les engrais minéraux simples, le sulfate d’ammonium qui titre à 21 % d’azote ammoniacal et 24 % de souffre, est surtout utilisé en grandes cultures et les prairies pour les plantes qui ont de gros besoins en souffres comme les agrumes, les ails, les crucifères et les pommes de terre. On le trouve dans la nature sous le nom de mascagnite à proximité des fumerolles en Italie au bord du Vésuve et de l’Etna, en Espagne, et un peu partout dans le monde. Cet engrais est un correcteur de pH par son action acidifiante permettant la libération des éléments bloqués dans le sol comme le phosphore. Cet engrais est donc recommandé pour les sols à pH élevé supérieur à 8. En outre, la disponibilité graduelle de l’azote limite les pertes par lessivage et lixiviation. Cet engrais convient très bien pour un apport unique d’azote sur des sols où prédominent les autres éléments majeurs. En vente en cliquant ici
La cyanamide calcique qui titre de 18 à 21% d’azote et 60 à 70% de chaux est quelquefois utilisée en culture maraîchère par incorporation dans la couche superficielle du sol ce qui accélère la transformation de cet engrais en urée et ammonium. Son emploi est délicat, car c’est aussi un produit phytosanitaire et demande un épandage avant semi ou plantation pour éviter un stress sur les cultures. Au contact de la solution du sol, la cyanamide calcique se décompose en ammoniac pour être ensuite minéralisée en nitrate par la microflore du sol. Cet engrais a une bonne action contre les mauvaises herbes et les spores de maladies sur une épaisseur de 2 à 4 cm. L’épandage de cyanamide calcique est donc intéressant en raison de son action phytosanitaire en particulier contre les insectes nuisibles du sol et comme engrais azoté. Il faut tenir compte que c’est un engrais calcaire par l’apport non négligeable de chaux (environ 50 %) donc, non recommandé pour les sols calcaires. On peut l’utiliser pour assainir des composts avec un apport d’argile afin de produire en même temps des CAH.
La cyanamide calcique est aussi connue au jardinage pour rééquilibrer les sols trop acides, entretenir les gazons et pour réduire la prolifération des limaces et différents types de tipules nuisibles pour les cultures. Des sacs de 10 ou 25 kg de cyanamide calcique sont vendus en jardinerie et sur certains sites internet avec quelquefois les doses et conseils d’application pour chaque légume. La cyanamide calcique tue tous les organismes qu’ils soient pathogènes ou utiles, mais ne produit pas de résidus toxiques et n’est pas rémanente. Elle doit être utilisée au dernier moment après avoir tenté les autres méthodes comme les rotations.
Cyanamide ; doses recommandées et conditions d’utilisation
Source : Les propriétés de la cyanamide calcique ; Société Royale Horticole de Gembloux
L’urée perlée dose 46 % d’azote ce qui en fait l’engrais azoté solide le plus concentré. Après épandage, l’urée est transformée rapidement par la microflore du sol en azote ammoniacal (cation NH₄⁺ encore dénommé ammonium) avec une perte plus ou moins importante sous la forme d’ammoniac (NH₃) par volatilisation, l’ammonium est ensuite transformé en nitrate. L’ammonium a la particularité de se fixer sur les CAH. Lors de son épandage, l’urée industrielle présente les mêmes inconvénients que les fumiers ; la perte d’azote par volatilisation de l’ammoniac peut être conséquente surtout si l’urée n’est pas suffisamment enfouie (mais aussi selon les caractéristiques du sol, les conditions climatiques locales…). Le prix de l’urée est inférieur à celui de l’ammonitrate.
Il est difficile pour un particulier de se procurer de l’urée perlée en petites quantités dans des magasins de jardinerie. Il n’y a pas d’autre solution que de s’adresser à une coopérative agricole ou de l’acheter sur un site internet, souvent sous la forme de sac de 50 kg, de quoi faire une réserve d’urée pour quelques dizaines d’années. Une autre solution consiste à partager le contenu d’un sac entre amis et voisins. L’urée étant très soluble, il fixe l’humidité de l’air pour former un bloc solide. Après extraction de la dose nécessaire, un sac ouvert doit être rapidement fermé à l’aide d’un ruban adhésif après avoir chassé l’air restant dans le sac.
L'utilisation d'engrais azotés sous la forme ammoniacale sont tous sensibles à la volatilisation de l’ammoniac ce qui représente une perte financière pour l’agriculteur et le jardinier amateur avec une incertitude sur la quantité d’azote apportée aux plantes ce qui n’est pas compatible avec les règles de la fertilisation raisonnée. Les engrais synthétiques à base de nitrate d’ammonium (ammonitrate) sont peu sensibles à la volatilisation malgré le fait que la moitié de l’azote qu’ils contiennent se trouve sous forme d’ion ammonium. Pour cette raison, ils sont plus fiables pour l’environnement que les engrais uréiques et permettent une plus grande précision dans la fertilisation que requièrent les impératifs de l’agriculture intégrée. Leur production à l’usine engendre une empreinte carbone plus faible. L’ammonitrate est moins acidifiant que l’urée.
Les agriculteurs ont accès à deux principaux types d’ammonitrate ; l’ammonitrate 33.5% (AN) contient l’azote sous forme d’ion ammonium (NH₄⁺) et d’ions nitrates (NO₃⁻) à parts égales. L’ammonitrate 27% (CAN) contient en plus de la dolomie ou du carbonate de calcium. Depuis le 27 juin 2010, la vente d'engrais minéraux contenant 16% ou plus d'azote sous la forme d’ammonitrate est strictement limitée aux professionnels (agriculteurs, horticulteurs, sylviculteurs). Bien entendu, cette restriction que j’estime excessive a été imposée pour des raisons sécuritaires (sensibilité à l’explosion) depuis l’accident d’AZD de Toulouse du 21-9-2001, et oblige les jardiniers amateurs à remplacer cet excellent engrais par l’urée perlée. En réalité, le danger d’accident est assez faible ; l'ammonitrate à 33 % passe de façon satisfaisante les tests d'explosif classique (1).
Les engrais nitriques considérés comme des engrais coup de fouet, permettent des apports directs et très ciblés en azote. Le nitrate de soude du chili extrait du désert d’Atacama, aussi appelé salpêtre du chili, contient 16 % d’azote et 2,5 % de sodium, un peu de bore et d’autres oligo-éléments. Le nitrate de soude est maintenant synthétisé. Son utilisation constante et intensive a pour effet de détruire les CAH, le sodium remplaçant le calcium qui relie l’humus à l’argile. Il est préférable d’utiliser le nitrate de potassium (encore dénommé nitrate de potasse ou salpêtre) qui n’a pas cet inconvénient et qui titre 13 % d’azote et 44 % de potassium.
Le nitrate de chaux et de magnésie titre à 15 % d’azote et contient 14 % de chaux et 8 % de magnésie soluble dans l’eau.
Le nitrate de calcium soluble contient 15,5% d’azote, dont 14,4% de NO₃ et 1,1% de NH₄ et 26,5% de CaO. C’est un excellent engrais de couverture pour les cultures potagères et fruitières.
Il existe des engrais potassiques simples pour répondre à des besoins spécifiques, notamment quand des analyses de laboratoire révèlent une carence en cet élément. Le sulfate de potassium qui contient 50 % d’oxyde de potassium, le chlorure de potassium (60%), le nitrate de potasse déjà cité ci-dessus, le patentkali qui est un sulfate de potasse double titrant 30 % d’oxyde de potassium, 43 % de SO3 et 10 % d’oxyde de magnésium, sont quelques exemples de fumures potassiques.
Les engrais phosphatés industriels dérivent tous des phosphates naturels, à l’exception des scories issues de la déphosphorylation d’aciéries. Les réserves de phosphate naturelles seraient d’environ 300 années au rythme d’exploitation actuel (2). L’industrie utilise plusieurs procédés pour rendre l’anhydride phosphorique (P₂O₅) assimilable par les plantes. Les superphosphates simples, concentrés ou triples sont issus du traitement du phosphate naturel par l’acide sulfurique ou l’acide phosphorique ou par un mélange des deux. Le superphosphate triple contient au moins deux fois plus de phosphore par rapport au phosphate naturel (38 à 42 % d’acide phosphorique). Les superphosphates sont en partie solubles dans le citrate d’ammonium, alors que les phosphates naturels sont insolubles. Le phosphate alumino-calcique (phospal) est fabriqué à partir d’un minerai extrait d’une mine du Sénégal et 75 % de ce phosphate est soluble dans le citrate d’ammonium.
Les superphosphates contiennent également des oligo-éléments issus du phosphate naturel qui a servi à leur fabrication. Les superphosphates conviennent à toutes les cultures et on les retrouve dans des engrais composés. Leur efficacité est maximale dans les sols bien pourvus en CAH avec un pH neutre ou légèrement alcalin. Pour les sols très calcaires ou très acides carencés en phosphore, les engrais phosphatés doivent être apportés autour des jeunes racines, c'est-à-dire dans les dix premiers centimètres de profondeur du sol. On évite d’apporter un engrais phosphaté en surface après le semis, car les phosphates étant peu mobiles ne descendront pas suffisamment dans le sol.
En ce qui concerne le soufre, les besoins exprimés en anhydride sulfurique (SO₃) sont de 175 à 200 kg/ha pour les crucifères et les liliacées, 100 kg/ha pour les légumineuses et 30 à 75 kg/ha pour les autres cultures. Il faut tenir compte des restitutions par les restes de culture, les eaux de pluie qui apportent 20 à 50 kg de SO₃ par hectare et par an. Pour un usage spécifique on peut épandre du sulfate de calcium, du phosphogypse qui contient 47% de SO₃, ou un engrais foliaire, ou encore l’engrais composé bleu ou le sulfonitrate de Binor qui contiennent du soufre.
Une fertilisation raisonnée implique d'apporter à chaque culture une fumure contenant les éléments fertilisants majeurs : azote, phosphore et potassium. C’est le but des engrais composés dont le rapport entre les différents éléments est étudié afin de correspondre à des besoins globaux pour la plupart des plantes potagères. La façon dont les plantes réagissent à l'apport d'engrais dépend du ratio entre les trois éléments N-P-K ; N= azote, P=phosphore K= Potassium.
Sous l’appellation engrais composés, il existe différents mélanges comprenant 2 ou 3 éléments pour répondre aux besoins de l’agriculteur et du jardinier amateur. La proportion de ces éléments est indiquée sur l’emballage. Exemple pour l’engrais bleu universel de Binor (l’un des plus connus en jardinerie) : 12,7,17, le rapport entre les différents éléments est le suivant : azote =12, phosphore =7, potassium =17.
L’étiquette indique quelquefois la proportion d’un autre élément indispensable pour certaines cultures comme le magnésium et le soufre.
Les engrais composés ne sont pas une obligation en culture maraîchère si une analyse de laboratoire montre qu’un ou plusieurs éléments sont prédominants. On peut alors se contenter d’apporter le ou les éléments manquants avec un engrais industriel, une correction le plus souvent impossible avec un engrais organique.
Pour les oligo-éléments, en général, les sols sont suffisamment riches. Toutefois, si une analyse de laboratoire montre une carence, celle-ci peut être corrigée par un engrais spécifique contenant la plupart des oligo-éléments dont les plantes ont besoin.
Il existe dans le commerce des engrais répondant aux spécificités de certaines cultures pour corriger un problème ponctuel ou pour nourrir les plantes à un stade intense de leur cycle cultural. Ces engrais sont souvent vendus pour être absorbés par les feuilles (d'où le nom d'engrais foliaires). Par exemple, les applications foliaires contenant du phosphore sur des plantations de pommes de terre sont très efficaces pour augmenter le nombre et la taille des tubercules surtout quand ils contiennent également du potassium du calcium, du zinc et du manganèse indispensables à cette culture. Les cocombres ont souvent besoin d'un engrais foliaire contenant du molybdène.
1) Société chimique de france ; Sensibilité des nitrates à la détonation
2) USGS US Geological Survey 2016